On parle souvent de la condition
des auteurs, de la paupérisation du métier... On fait des bilans,
des analyses et tutti mais on oublie bien souvent de parler des
solutions. Ô bien sûr, pas de LA solution qui va faire qu'on va
tous vivre de notre plume (pinceau, stylo, stylet, clavier) mais des
petites choses que l'on pourrait appelé « des avancées »...
Auteur de BD, ce
n'est pas à un vrai métier. Faut juste voir la tête du type
derrière le guichet de l'administration ou de la banque pour s'en
rendre compte. Nous sommes nulle part. SAUF si notre cher
gouvernement demandait à l'INSEE de nous créer un code rien qu'à
nous. Du coup, on n'aurait plus à choisir entre la case « autre »
ou celle de « artiste peintre », « indépendant »,
« écrivain ». Non, un petit numéro à l'INSEE et on
apparaît au grand jour pour tout le monde. Cela ne coûte rien et ne rapporte rien. Sauf un changement dans les mentalités.
L'un des problèmes, c'est que nous
sommes pas intermittents. Nous n'avons pas le droit à une phase de
gestation de projet entre deux bouquins. Il nous faut enchaîner les
titres rapido. Nous n'avons pas plus le droit au chômage (je sais,
on cotise pas...) SAUF si l'on créé une caisse d'aide spécifique.
Bon, le plus dur sera sans doute de trouver les critères
d’attribution car en ce qui concerne la façon de trouver l'argent
de cette caisse, il y a deux pistes : Celle déjà maintes fois
évoqué, ne serait-ce que par Victor Hugo, qui consisterait à taxé
les livres tombés dans le domaine public (à la place des 8% de
droits d'auteurs, on prends ces 8% pour la caisse d'aide aux
auteurs). Les morts payeraient pour les vivants. La seconde solution
étant un dérivé de la première, on impose 50 centimes sur les
bouquins libres de droits (voir sur tous les livres). On pourrait
même se dire que taxés les ayants droits de 1 ou 2 % ne serait pas
bien grave (je suis déjà d'accord pour que mes enfants se fassent
taxer quand je serai mort).
L'argent étant le nerf de la guerre,
on pourrait aussi imaginer que les bourses du CNL soient entièrement
revues (ou on pourrait en rajouter). Dans mon idées, elles seraient
bien plus nombreuses.
- Mais Antoine, tu n'y penses pas,
ça va coûter un max.
- Que nenni ! En fait, on
s'inspire de ce qui se fait dans certains cas pour le cinéma. Les
bourses deviennent remboursables. Si tu vends juste tes 1000 ou 2000
ex, tu es exempté de remboursement. Si tu arrives jusqu'à 12 000
ex, tu commences à rembourser. Si tu passes la barre des 35 000 ex,
tu rembourses le double (chiffres à affiner mais dans l'esprit, si
ça cartonne, tu n'avais pas besoin d'aide. Sinon, oui).
Et si on allait plus loin ?
Par exemple, pour la fameuse réforme
RAAP, on pourrait (légalement) refuser l'organisme actuel. Faire un
recours collectif demandant à choisir notre organisme. On ne peut
refuser de payer le régime de retraite complémentaire en revanche,
si tous les auteurs refusent l'organisme, on pourra sans doute
choisir et mettre en concurrence les organismes. Et devinez quoi ?
Je suis certain qu'avec la mise en concurrence, on n'aura pas
forcément les 8% (choisis arbitrairement par l'organisme actuel).
Allez, puisque je suis chaud, je
continue avec un truc où je sens que je vais me faire des amis :
avec l'ouverture du marché de l'art à la BD, revient sur le tapis
l'idée de donner un pourcentage des ventes d'originaux aux
scénaristes. Pourquoi ? Parce que, comme le dit Jean Van Hamme,
Vance ne vendant pas le même prix ses pages de Bruce J. Hawker que
ses pages de XIII, on voit bien que les originaux sont liés à une
histoire bien déterminée. A ceux qui m'opposeraient le fait que le
scénariste ne paye pas le papier et l'encre, je répondrais que le
dessinateur ne paye pas l'ordinateur et les livres que j'utilise pour
ma documentation.
Bon, comme je sais que ça pose
problème, on peut aussi se dire l'adaptation cinématographique
n'est qu'une adaptation du scénario et que du coup, le dessinateur
garde la vente des originaux et le scénariste la vente de
l'adaptation ciné (je sais, quand on voit ce que devient Boule et
Bill au ciné, on se demande si le scénario est vraiment adapté...).
Bref, tout ça pour dire, qu'un peu d'équité (ou de cohésion de
groupe) serait le bienvenu.
J'ajoute que pour ma part, je ne
demande actuellement qu'une page ou deux aux dessinateurs avec qui je
bosse. Pas pour les vendre mais par désir de garder près de moi des
moments chers à mes yeux. Bon après, je garde aussi une liste des
mecs qui ont joué le jeux !
Et pour nos amis éditeurs ? J'ai
aussi des propositions pour améliorer nos rapports :
D'abord, je suis super partisan de la
lecture à l'aveugle des dossiers éditeurs. J'entends par là la
lecture du dossier sans savoir qui a écrit l'histoire. Exit le coté
« hey, ce type est un bon vendeur, je vis lui signer ce nouvel
album même si c'est de la merde en barre ». Là, on ne
jugerait que sur le contenu. Rien que sur le contenu. Impossible ?
Bah non, dans les années 70-80, un éditeur, Eric Losfeld, le
faisait. Et vous savez quoi ? Bizarrement, ça faisait des
putains de bouquins (je parle ici de romans, même s'il fut aussi un
très bon éditeur de BD).
Ensuite, j'aimerais bien que mes amis éditeurs arrêtent de m'envoyer leurs contrats
types (mais toujours négociables) alors que ça fait plusieurs
bouquins qu'on fait ensemble. Sauf étourderies de ma part, si j'ai
refusé une fois une close, ça m'étonnerais que je l'accepte la
fois suivante. Bien sûr, il y a là un petit jeu. Mais je trouve que
cela fragilise le respect mutuel.
De même, je préconise que l'on aille
vers des rapports plus cordiaux et qu'on tente de supprimer toutes
les tensions. Pour cela, il serait vraiment bon que l'auteur puisse
se rendre au calage ou, du moins, signe le BAT. L'auteur aurait un
livre qui lui convient le mieux et l'éditeur aurait un auteur plus
satisfait. Bref, ça serait bien qu'on devienne vraiment partenaires (c'est pour ça que je ne vais pas faire de propositions sur comment gérer mieux la relation avec les auteurs ou comment faire du marketing différemment... C'est pas vraiment le sujet du jour).
Bon, ceci n'est que le début des
propositions. Si quelqu'un passe par ici et voit un manque, qu'il me
le dise (un petit mail, un mp... un pigeon voyageur). Je m'en ferai
écho. Car le but est d'avancer. Et ça, ça sera possible que si on
se bouge tous (Auteurs, éditeurs, libraires...).
Toutes ces propositions ne sont pas si
difficiles à mettre en place. Elles manquent souvent que d'une
décision politique.
La bise et vive la bande dessinée (merci à mes copains:collègues de parcours, qu'ils soient dessinateurs, scénaristes, coloristes, directeurs de collection, maquettistes, attachés de presse ou agents d'auteurs).
Plein de bonnes là dedans. Bravo.
RépondreSupprimerSupers propals. Pour les planches je suis d'accord, mais dans un ratio 30/60. Ayant les deux casquettes, je sais que le temps passé sur les planches par le dessineux est quand même plus long que le scénariste, quelque soit le temps passé à écrire, ou à se documenter. Si on raisonne en termes de paternité/maternité, c'est clairement en la défaveur du dessineux. Pour le pourcentage à verser, tu ne le verras jamais si tu laisse les dessineux le faire. Prends tes planches, et vends les de ton côté, au prix que tu veux, c'est mieux. Mes deux cents. Je pense qu'il faudra aussi revoir la condition/statut des coloristes, qui ne sont pas aussi interchangeables que ce que certains collègues veulent bien faire croire. Ils ne créent pas le bouquin au sens de l'histoire, mais ils participent clairement du coup de cœur du public qui perçoit la couleur, avant le trait, bien souvent, et avant même de connaître l'histoire. Donc l'acte d'achat d'un tome 1, c'est dû au dessinateur et au coloriste, avant tout. Les coloristes doivent donc avoir cette reconnaissance, sur les couvertures, et de façon systématique, et sur le terme "auteur" au minimum, avec le petit pourcentage que cela sous entends. Mes deux cents, et encore bravo pour les bonnes idées.
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