Il n'y a pas six mois entre ma rencontre entre Nicolas Lannoy et Benoît Laigle. L'un ayant inviter l'autre à passer dans mes bureaux. La première fois que je le vois, il vient avec Jérôme Lebrun. Les deux sont des sacrés rigolards et on se fend la poire toute l'après midi. En voyant leurs boulot, j'ai tout de suite envie de bosser avec les deux. faire du polar rigolo (comme aurait dû l'être la série que je viens de signer chez Delcourt). Encore un voyage en Lille et Valenciennes et j'ai les deux idées qu'il me faut. Je propose une adaptation du Roi David à Jérôme Lebrun et un projet de mafieux qui fout un bordel de tous les diables parmi les autres mafieux, sans que personne ne le voit jamais (et surtout pas le lecteur) à Benoît.
Quelques semaines plus tard, je file chez Glénat (en fait, il s'agit du lundi après le festival d'Angoulême, mais je ne l'avais pas calculé). Rodolphe Soublin me reçoit. Depuis la dernière fois, son enthousiasme envers mon boulot n'a pas changé. Il m’emmène voir Didier Convard qui vient de devenir Directeur de collection. Celui-ci est aussi intéressé. Il m'oppose juste deux changements sur Slender Fungus : l'un pour Benoît qui devra abandonner la couleur directe pour une mise en couleur par ordino, l'autre pour moi qui vais devoir écrire l'histoire en trois tomes plutôt qu'en quatre. "Trois tomes, je peux mettre mes couilles sur le billot que tu iras jusqu'au bout". Les conditions financières sont largement plus sympathiques que chez Delcourt. Bref, c'est nickel.
Pour le projet avec Jérôme, c'est encourageant aussi. Il n'a eu le temps que de faire deux pages mais Convard (et surtout un certain Laurent Muller) est sous le charme : Ils veulent en voir plus. Malheureusement, Jérôme travaillant chez Disney n'aura pas trop le temps pour la BD. Il ne fera jamais les pages suivantes...
Pendant le même temps, le dossier Slender était arrivé chez un jeune éditeur : Bamboo. Ils veulent aussi de la série pour leur nouvelle collection "grand angle". Mais ayant été un peu refroidi par l'expérience "nouvel éditeur" avec Paquet, je prends la décision (avec Benoît) de choisir la proposition de Glénat.
En 2003, le premier tome de Slender fungus sort dan la collection Grafica. Le titre de l'album change. Il ne s'agit plus de "pâté de connards en croûte" mais de "Al dente". On se lance directement sur le tome 2 (qui ne s'appellera pas "terrine de salopes en gelée"). On fera même un petit comics hors série pour la librairie "folle image" avec du matos inédit.
Mais, bien sûr, les choses vont légèrement déparées. Cette fois-ci, pas d'engueulade avec le dessinateur ni avec l'éditeur. Non, le marché s'écroule gentiment. Et les aléas de la vie privée pour Benoît et moi font qu'on va mettre deux ans à faire le tome 2. En 2005, alors que le tome 2 n'est pas encore sorti, Laurent Muller me dit de foncer sur le tome 3 sans attendre le contrat qui doit arriver au plus vite.
Deux mois plus tard, voulant facturer quelque peu, je relance (pour la énième fois) Muller. Il est bizarrement en réunion. Quelques minutes plus tard, c'est Didier Convard que j'ai au téléphone. Il se dit bien emmerdé mais il n'y aura pas de tome 3 : "ça vient de plus haut. on doit virer tout ce qui est en dessous de 5000 de vente". J'ai alors l'image débile d'un eunuque qui parle de mettre les couilles sur le billot. Bien sûr, on peut publier le tome 3 ailleurs si on veut. En revanche, si on veut récupérer les deux premiers tomes, il nous faut payer. Slender meurt à ce moment là.
J'apprends alors qu'il y a pire que d'arrêter de son propre chef une série. Je revois la fin du tome 2 où j'avais tenté de jouer avec le lecteur en le guidant sur une fausse piste. Maintenant, tout le monde va croire à cette "fin" stupide.
Je suis dans la merde financièrement, j'ai d'autre projet avec Glénat... Bref, je me sens piégé.
Benoît s'écarte quelque peu de la BD pour le jeu vidéo (même s'il y reviendra plus tard) ce qui stoppe notre collaboration. Et ça, je l'encaisse encore plus mal. car on avait plusieurs projets pour la suite...
Alors, t'es content de ta carrière?
Franchement pas. Quand je ne tombe pas sur un éditeur bizarre, quand je ne tombe pas sur mon inverse total, il faut que l'adversité s'en mêle. J'ai l'impression d'un immense gâchis. Et là encore, si je n'avais pas un autre projet sur le feu, je me poserais la question d'arrêter... Et bien sûr, je regrette de ne pas avoir fait confiance à Bamboo. Mais cela ne sert à rien.
Pour la petit histoire, ça me revient à ce moment là, j'avais aussi présenté le dossier à Vents d'ouest. Là, un certain Thierry Cailleteau en grand forme verbale m'avait dit "à la lecture de Slender Fungus, j'ai qu'un conseil à vous donner : coupez-vous les mains ! EUH... Non attendez, avant de vous couper les mains, coupez celles de votre dessinateur. Cela vous évitera de nous proposer autre chose". Qui a dit que des auteurs de BD ne s'étaient pas suicidés pour des blagues aussi connes?
Une dernière chose : je compte toujours relancer la série ! Peut-être en recommençant tout depuis le début... Et surtout en changeant de titre ! Qui pourrait acheter une série d'un nom dont on ne se souvient pas?
3 commentaires:
Salut,
Quand je lis tes récits rétrospectifs, je ressens de l'émotion peut-être parce qu'on y laisse tous des plumes dans cette folle passion ! par contre à défaut, je te félicite pour coucher çà par écrit, moi, je n'en ai même plus le courage d'en parler ! bonne continuation...
Merci à toi.
en fait, ces anecdotes, ça me permet de faire le point et de relativiser. Je m'en suis fait toute une montagne à l'époque et maintenant, ça m'amuse...
Moi aussi, quand j'aurai digéré tout çà, et tiré la chasse... j'espère pouvoir m'en amuser ! mais je me demande si je ne suis pas maso à continuer le combat ! Passion quand tu nous tiens !
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